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BeReal, le réseaux-social made in France de plus en plus tendance


Nina est en train de déjeuner à 12h53 lorsqu’une notification s’affiche sur son téléphone : « C’est l’heure du BeReal. » Elle a alors deux minutes pour immortaliser ce moment et montrer à quel point sa vie est intéressante. Cette notification est envoyée chaque jour en même temps à 23 millions de personnes, selon les données récentes partagées par l’entreprise avec le média américain TechCrunch. C’est le principe de cette application française, lancée en 2020.

En demandant aux utilisateurs de prendre des photos à l’improviste, l'application cherche à « contrer les effets néfastes des réseaux sociaux sur notre santé mentale et à favoriser des connexions authentiques avec nos proches », explique Romain Salzmann, directeur des opérations de BeReal. Sur cette plateforme, il n’y a ni défilement infini ni fil public ; les photos ne sont visibles que par les contacts acceptés par les utilisateurs.


Le concept a trouvé son audience


Jérémie, par exemple, utilise l’application presque quotidiennement depuis deux ans, et il suit les règles. « C’est devenu une habitude, raconte-t-il. Quand je reçois la notification, je capture ce que je suis en train de faire. Souvent, ce sont des photos de mon écran d’ordinateur au travail. » Romain Salzmann indique que 80% des utilisateurs de BeReal appartiennent à la génération Z. Cependant, l’application touche un public plus large. « C’est ma fille de 23 ans qui m’a incité à m’inscrire, dit Gilles, 51 ans. Effectivement, je n’ai aucun ami de mon âge sur ce réseau ! J’étais sur Instagram à l’époque où les gens partageaient encore des photos d’eux-mêmes, et c’est ce que je retrouve sur BeReal. »


BeReal se veut également une alternative aux algorithmes addictifs des autres réseaux sociaux. « C’est moins addictif, confirme Jérémie. Une fois que tu as regardé les photos de tes 20 ou 30 amis, il n’y a plus de raison de rester sur l’application.


L'application française, connue pour son approche unique, pourrait-elle avoir remplacé la domination de l'image par une autre forme de contrainte ? Ce système met en avant l'idée que "je n'ai pas besoin de filtres pour montrer que ma vie est intéressante". Cependant, certaines personnes avouent contourner légèrement le système. "On donne l'impression de capturer le moment présent, mais l'authenticité à long terme n'est pas tenable. En supposant même que cela soit souhaitable : la mise en scène n'est pas forcément synonyme de mensonge ou de manipulation", analyse Anne Cordier, enseignante-chercheuse en sciences de l’information et de la communication, spécialiste des pratiques numériques des jeunes. Le premier compromis observé est l'option "Late BeReal", qui permet de publier sa photo après la notification, avec une mention spéciale pour les contacts.


L'application BeReal connaît un regain de popularité quatre ans après son lancement.


"C'est un retour classique avec ce type d'innovation. Il y a d'abord une phase d'engagement, suivie d'une banalisation", poursuit l'enseignante. Ensuite, en fonction d'autres innovations ou de l'actualité, la situation peut évoluer. Les débats actuels autour de TikTok nous poussent à considérer les alternatives sous un autre angle. Ce regain de popularité coïncide avec le lancement de l'application aux États-Unis en 2022, où elle a temporairement atteint le sommet des téléchargements sur iPhone. "La stratégie consiste à attirer des célébrités majeures, comme Taylor Swift", explique Stéphanie Laporte. "Le Japon est un de nos marchés à plus forte croissance, avec une grande partie de nos utilisateurs situés aux États-Unis, en France, au Japon et en Allemagne", ajoute Romain Salzmann.


BeReal a besoin de nouveaux marchés.


Actuellement, l'application ne propose ni téléchargement payant, ni publicité, ni abonnement, et subsiste grâce à des levées de fonds. Selon Les Echos, le réseau social a notamment levé 80 millions de dollars en mai 2022 et était valorisé à 600 millions d’euros cette année-là.

Cela pourrait bientôt changer avec l'introduction progressive de BeReal People et BeReal Brand. Romain Salzmann précise que ces fonctionnalités, qui mettent en avant des célébrités ou des marques, ne sont pour l'instant pas des canaux de monétisation. "On pourrait imaginer une influence à la BeReal, avec du contenu exclusif, comme on le voit sur les nouvelles fonctionnalités d’Instagram ou sur OnlyFans", envisage la cofondatrice de l’agence Otta. Cependant, les marques restent peu intéressées, en partie à cause du fossé générationnel et du caractère trop intime de la relation utilisateur, ce qui soulève des questions d'image de marque ou de sécurité. L'intérêt des utilisateurs reste essentiel. "Je doute de la capacité de pénétration des usagers", répond Anne Cordier. "Instagram est plus fort sur ce plan, avec une mise en scène assumée et un aspect communautaire. En France, la figure associée à cette application, Gabriel Attal, n'est pas très bankable !" "Je ne suis pas forcément curieux de savoir ce qu'ils font de leur journée", confirme Jérémie. "Dès que ça devient un outil de communication, ça perd de son intérêt.


Un réseau social vulnérable ?


Il est difficile pour BeReal de véritablement innover. Les utilisateurs sont souvent résistants au changement, comme l'ont montré les réactions négatives à l'introduction des "Late". De plus, rien n'empêche les autres réseaux sociaux de copier ses fonctionnalités. Par exemple, Twitter avait freiné la progression de Clubhouse en lançant ses Spaces. De même, TikTok a tenté d'imiter le concept de photos spontanées en 2022, mais cette fonctionnalité a disparu en raison du manque d’utilisateurs. « Il y avait un trop grand fossé entre l’utilisation principale de l’application (regarder des vidéos) et la publication de contenu personnel, probablement aussi un manque de communication », explique Stéphanie Laporte. Une fonctionnalité similaire sur Instagram pourrait-elle sonner le glas de BeReal ? En attendant, nous continuerons à prendre des photos de notre trajet en métro.

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